Parcours psychomoteur et psychomotricité

« Pimp my parcours »
  1. Introduction
  2. Le parcours psychomoteur, un outil spécifique des psychomotricien(ne)s ?
  3. Idées de variations selon les objectifs
  4. Le parcours psychomoteur à la croisée des approches Bottom-Up et Top-Down

Introduction

La proposition d’un parcours impliquant la motricité de l’individu se retrouve dans de nombreux contextes : 

« parcours d’éveil » en crèche ; « parcours de motricité » à l’école ; « parcours réflexes » ou « parcours moteur » en centre de formation des sportifs ; « parcours d’habiletés motrices » ou « parcours du combattant » dans de nombreux corps de métiers physiques (Police Nationale, Armée…), etc.

Le parcours psychomoteur représente une succession d’étapes, organisées selon un plan spatial et temporel, venant solliciter différentes fonctions psychomotrices (= association des fonctions mentales et motrices selon l’OMS, 2001). Il constitue une activité perceptivo-motrice de par la nécessité d’adapter ses mouvements aux informations sensorielles perçues.

On y retrouve la plupart du temps des éléments de base (cerceaux, plots, jalons, dalles, cordes, poutres, formes) et/ou des modules de plus grande taille (escalier, tunnel, tapis incliné…). Il s’agit d’ un exercice populaire avec de multiples applications possibles.

Parcours « moteur » ou « psychomoteur » ?

S’il parait évident que les déplacements d’un individu, réalisés lors d’un parcours « moteur », sont soumis au contrôle cérébral de sa motricité volontaire, pourquoi y accoler la particule « psycho-moteur » ? Probablement que cette dernière vient souligner la considération de contraintes cognitives associées à l’action. Nous pouvons également évoquer certains aspects psycho-affectifs liés à la mise en mouvement (notion d’effort, de confiance en soi…).

Le mot « psychomoteur » n’est pas l’apanage d’une profession unique. Les professeurs des écoles peuvent par exemple proposer des activités pédagogiques (rythmiques, de gymnastique… ) sous le terme de « psychomotricité » au même titre que des professeurs d’éducation physique ou autre professionnel d’activité physique adaptée. 

Certains éléments sont, par ailleurs, spécifiques et règlementés par le décret de compétences de la profession de psychomotricien (n°88-659) tels que la passation du bilan psychomoteur ou encore la prescription médicale du soin psychomoteur.

Le parcours psychomoteur, un outil spécifique des psychomotricien(ne)s ?

Là où certaines disciplines utilisent le mouvement comme une finalité (la performance physique, la sélection d’une élite…), le psychomotricien a davantage recours au mouvement comme un moyen pour renforcer des fonctions psychomotrices déficitaires (l’apprentissage de nouveaux schèmes moteurs, l’organisation dans l’espace…) ainsi que d’autres aspects moins objectivables (la confiance en soi, l’aisance corporelle, le plaisir de se mouvoir…).

Paradoxalement, cela n’apparaît donc pas être par son nom mais par ses objectifs que le parcours psychomoteur semble trouver sa spécificité dans la pratique des psychomotriciens.

Ajoutons que les caractéristiques du parcours dépendront fortement du public concerné (stimuler le développement moteur chez le jeune enfant présentant un retard, rééduquer des fonctions neuromotrices suite à des troubles neurologiques, étayer l’équilibration chez la personne âgée susceptible de chuter, etc.).

Idées de variations selon les objectifs

Voyons à présent des exemples concrets pour accentuer la mise en jeu de certaines fonctions psychomotrices, que nous répartirons par catégories :

Les propositions ci-dessous sont, bien entendu, à adapter selon l’âge, les capacités de la personne et le cadre de l’intervention (éveil, prévention, rééducation…). Elles sont modulables voire cumulables.

Renforcer l’organisation spatiale

Réaliser le parcours :

  • sur guidage oral du psychomotricien qui délivre des consignes topologiques à respecter (« passer sous le bâton puis grimper sur le marche pied qui se trouve à ta droite… ») (= orientation spatiale)
  • tout en suivant un plan sur feuille (= orientation spatiale)
  • à reculons avec un miroir en main
  • avec un nombre de pas imposé (= structuration spatiale)
  • yeux fermés après l’avoir visualisé (= mémoire de travail visuo-spatiale)
  • après l’avoir reproduit sur feuille (= visuo-construction, décentration avec changement de référentiel : de la 3D à la 2D)

Nous soulignons l’intérêt d’un parcours de disposer d’un début et d’une fin clairement repérables, pour la structuration visuelle que cela apporte.

Stimuler la motricité

Réaliser le parcours :

  • en variant le mode de déplacement (sur la pointe des pieds, en rampant, à pieds joints, en pas chassés, à « pas de géant »…)
  • en passant par des agrès nécessitant un travail d’équilibration (poutre, plateau d’équilibre, obstacle, sabots-échasses, ligne sur laquelle marcher…)
  • sans avoir le droit de poser un seul pied au sol (en se déplaçant de module en module, à la façon de Ninja Warrior ou la rivière aux crocodiles
  • en ajoutant des exercices moteurs à effectuer dans une zone du parcours définie (5 squats dans le cerceau, 20 secondes de gainage sur le tapis, etc.)
  • en réceptionnant une balle ou un ballon pouvant être envoyé à tout moment par le thérapeute
  • en effectuant une autre action motrice en même temps (faire rebondir une balle de ping-pong sur une raquette, pousser une balle au pied, tenir une baguette d’assiette chinoise, etc.)
  • tout en portant un plateau (avec un ou plusieurs objets posés dessus à ne pas faire tomber)

Solliciter l’organisation temporelle 

Réaliser le parcours :

  • le plus vite possible (éventuellement en le chronométrant), ou le plus lentement possible
  • en précisant que certains obstacles doivent être passés rapidement et d’autres lentement (= gérer les modulations de rythme selon des contraintes externes)
  • en marchant au rythme d’un tambour réalisé par le thérapeute
  • en un temps imposé par le thérapeute (= estimation et perception du temps qui passe en adéquation avec sa vitesse)
  • en demandant à la personne d’estimer son temps de parcours avant de le réaliser (= capacité d’imagerie motrice), puis confronter ce temps « prévisionnel » au temps réel d’exécution

Viser certaines composantes sensorielles 

Réaliser le parcours :

  • avec des limitations visuelles (comme un œil fermé ou des lunettes déformantes à la façon de celles du jeu Mirogolo®)
  • dans le noir avec une lampe de poche (manuelle ou frontale), à la façon d’un agent secret
  • en jonglant en même temps à une ou deux balles (ou foulards) (= renfort de la vision périphérique)
  • avec une contrainte de poids : lest aux chevilles, gilet alourdi, balle lestée en main… (= apport d’un feedback proprioceptif) 
  • en incluant des dalles tactiles (pieds nus)

Nous précisons également l’utilité de ce type de dispositif moteur pour répondre de façon cadrée à un besoin impérieux de mouvement, par l’apport de stimulations vestibulaires et kinesthésiques qu’il entraine.

Solliciter les fonctions supérieures (exécutives/attentionnelles/mnésiques)

Réaliser le parcours :

[dominante planification]

  • en demandant à l’enfant de verbaliser sa stratégie et/ou l’ordre de franchissement des étapes avant l’action.
  • en demandant à l’enfant de créer un parcours en respectant certaines contraintes préalables (nombre d’éléments imposé, mouvements restreints, couleur « interdite », temps limité…)

[dominante attentionnelle (surtout l’attention divisée) et mnésique (surtout la mémoire de travail)]

  • en comptant des stimuli auditifs (= attention auditive) 
  • en comptant des pointages lasers (= attention visuelle)
  • en récitant l’alphabet à l’envers, en répondant à des questions, en chantant, en épelant un mot…
  • en devant restituer, en fin de parcours, des informations mémorisées en début de parcours comme une liste de mots ou les éléments d’une image (= mémoire de travail)
  • en devant restituer un rythme, mémorisé au préalable, sur un tambour placé au gré du parcours
  • en devant retrouver, au beau milieu du parcours, une image correspondant à un son entendu au préalable (train, animal, rire…)
  • en allant chercher une « commande » donnée par le psychomotricien, à l’autre bout du parcours, puis la lui ramener (tel un serveur)

[dominante inhibition motrice]

  • en faisant un minimum de bruit avec des grelots attachés aux chevilles
  • en introduisant un temps de « faire la statue » lors d’une étape du parcours en particulier
  • en réalisant le jeu « 1,2,3 soleil » durant le parcours
  • en imposant un moment de réflexion avant le passage d’un obstacle complexe
  • avec une balle molle ou un sac lesté sur la tête (= contrôle moteur et postural)
  • en prenant compte de certains endroits du parcours « interdits » à toucher

Stimuler la créativité

Réaliser le parcours :

  • en proposant de le créer au préalable
  • à la façon de certains animaux (serpent, tigre, hippopotame 😆)
  • en imposant de faire passer les mêmes obstacles mais de façon différente à chaque fois (= flexibilité cognitive)
  • en le faisant correspondre à une histoire connue ou non

Encourager la coopération 

Ce genre de dispositif peut être bienvenu dans le cadre d’une prise en charge groupale.

Réaliser le parcours :

  • avec une partie du corps attachée entre deux enfants (poignets, chevilles…)
  • avec une balle maintenue entre deux enfants (dos contre dos par exemple)
  • sous forme de relai (en groupe)
  • avec un enfant les yeux bandés et un autre qui le guide (oralement ou physiquement)

Autres idées diverses

  • En lien avec les émotions

Demander à l’enfant de réaliser le parcours comme s’il était en colère, attristé, apeuré, fou de joie, etc.

  • En lien avec les écrans

Proposer une courte application tablette au milieu d’un parcours pour habituer l’enfant à s’en « détacher » rapidement

  • En lien avec les transitions

Le parcours peut finir (comme par hasard 😉) devant le bureau, le tableau ou le tapis de relaxation…

  • En lien avec la motivation

– Le parcours peut être utilisé comme renforçateur de fin de séance pour les enfants ayant une forte appétence pour cet exercice

– Il peut être présenté comme une mission pour générer de la motivation

– Une récompense peut être « atteignable » en fin de parcours (jeton, coloriage…)

– Nous pouvons rajouter du « sens » au parcours de part sa structure : prendre une fléchette au début pour l’envoyer dans une cible en fin de parcours ; prendre une petite cheville au début pour aller l’enfoncer dans une planche à trous ; réaliser le parcours avec un crayon en main pour aller écrire un mot mémorisé sur une ardoise finale, etc.

Le parcours psychomoteur à la croisée des approches Bottom-Up et Top-Down

Proposer un parcours psychomoteur s’inscrit aisément dans une dimension bottom-up (centrée sur les fonctions) dans la mesure où il s’agit d’une intervention ciblant l’équipement neuromoteur de base (Mayston, 2001), telles que la coordination entre l’oeil et le pied, l’agilité, l’équilibre ou encore l’intégration des informations sensorielles provenant de l’environnement.

Néanmoins, il s’avère que les composantes motrices entrainées lors d’un parcours peuvent être similaires à certaines habiletés retrouvées dans le quotidien de l’enfant : lors du cours d’EPS, lors de jeux spontanés en récréation ou simplement à la maison (gravir des marches, enjamber le chat qui dort, aller chercher une pièce de lego® sous le lit…).

Cette considération peut alors se rapprocher d’une orientation top-down (centrée sur l’activité) dans la mesure où nous pouvons viser l’amélioration effective de tâches ciblées (Coster, 1997).

Selon l’âge de l’enfant, nous pensons ainsi que la pratique du parcours peut gagner en intérêt s’il permet de promouvoir l’utilisation de stratégies métacognitives, potentiellement généralisables à sa vie quotidienne et favoriser de surcroît une meilleure intégration sociale et un gain de confiance en lui.

Les stratégies pouvant s’extraire de l’entrainement aux parcours psychomoteurs sont par exemple l’analyse visuelle de l’environnement ; la nécessité de planifier avant d’agir (en utilisant des méthodes de résolutions de problème comme BUT/PLAN/FAIRE/VÉRIFIER, Meichenbaum, 1977 ; « STOP and GO » ; « Stop…réfléchis…vas-y ! » etc.) permettant de diminuer les comportements impulsifs ; l’utilisation de la soliloquie (private speech) si l’enfant doit garder des conseils d’exécution et des informations en mémoire, etc.

Toujours dans l’optique top-down, nous pouvons évoquer la pertinence des parcours psychomoteur dans l’accompagnement spécifique de la personne âgée. Nous proposerons ainsi des tâches de ramassages d’objets au sol, d’évitements d’obstacles (en statique, en mouvement, en situation d’attention divisée…), d’enjambées d’éléments, de diminution du polygone de sustentation, d’ajustements posturaux proactifs, etc.

Le but étant d’ajouter à la stimulation ostéo-articulaire et perceptivo-motrice inhérente au parcours (bottom-up), le repérage de stratégies efficaces et explicites, au plus proche d’une situation écologique (top-down) pour maximiser les chances de les généraliser à la vie quotidienne (enjamber et marcher sur un trottoir étroit par exemple).

Conclusion 

Nous espérons que ce répertoire d’idées, organisé par domaines distincts (moteur, sensoriel, spatial, temporel, exécutif et coopératif) puisse apporter une source d’inspiration dans la construction de parcours psychomoteurs.

Le parcours demeure un exercice particulièrement courant, à la croisée d’aspects sensori-moteurs et cognitifs, si cher aux psychomotriciens.

Nous invitons à une considération mixte entre les approches bottom-up et top-down, incluant toutes les dimensions associées au mouvement, entre objectifs fonctionnels, plaisir et motivation.

Bon parcours à tous !

Aurélien D’Ignazio & Oceanie Le Borgne (instagram : la.diantromotricienne)

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Aucun commentaire

Feuillerat Brigitte

C’est très bien abordé avec des nuances très utiles. Le parcours psychomoteur est effectivement abordé par uniquement en psychomotricité mais aussi dans les crèches et les écoles. Nous avons un apport un peu différent comme c’est expliqué dans ce document . Bravo à vous

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